Vous l’oubliez peut-être à force de l’utiliser, mais Pl@ntNet est un projet de sciences participatives. Les données récoltées dans l’application sont utilisées pour faire avancer la recherche. Aujourd’hui, c’est Christophe Botella, doctorant en statistiques appliquées à l’écologie à l’INRA et l’Inria, qui utilise dans le cadre de sa thèse les informations de localisation de 5 plantes envahissantes en France. Son objectif est de développer un modèle de prédiction de la répartition de ces espèces.
“Les plantes envahissantes ont un impact écologique et économique non négligeable. En plus d’être l’une des menaces principales pour la préservation de la biodiversité, elles coûtent environ 12 milliards d’euros chaque année en Europe. Les détecter plus tôt permettrait de réduire le coût de leur gestion.”
Pour établir son modèle, Christophe Botella a utilisé les observations d’espèces, reconnues automatiquement par Pl@ntNet à partir de vos photos. Ces données géolocalisées ont permis de modéliser puis prédire la présence des espèces grâce à des critères environnementaux, autant bioclimatiques que topologiques ou hydrologiques. Néanmoins, la répartition des observations de Pl@ntNet est fortement corrélée à la présence humaine. Son modèle prend donc également en compte les aires urbaines, la proximité avec les routes et la distance aux côtes pour annuler cet effet d’échantillonnage appelé aussi “pression d’observation”.
Il en ressort 3 types de spécimens. Tout d’abord les plantes cultivées ou maintenues par l’Homme qui sont présentes dans les jardins ou parcs par exemple. Ensuite, les plantes qualifiées d’envahissantes occasionnelles car proches de l’activité de l’Homme. Et enfin, les plantes nouvellement inventoriées comme envahissantes, et ce sont celles qui sont les plus intéressantes pour réussir à gérer leur prolifération.
Au final, les données de Pl@ntNet ne correspondent pas exactement à la distribution des plantes selon les données de référence (INPN) mais cela s’explique par ces trois typologies et par les méthodes encore imparfaites de corrections des biais dûs à la pression d’observation. Cependant, grâce à ce modèle il est possible de détecter de nouvelles espèces ornementales qui deviendraient envahissantes, ou de clarifier des aires de répartition d’espèces déjà envahissantes.
Un choix encore restreint
Cette approche pourrait donc être utilisée comme outil d’aide à la décision pour la gestion d’espèces envahissantes… mais elle a ses limites. Elle est efficace sur des espèces facilement reconnaissables avec Pl@ntNet, c’est à dire avec des motifs (fleurs, feuilles, fruits) assez grands, visuellement différents par rapport à d’autres espèces proches. La phénologie de l’espèce est également importante : l’organe d’intérêt de la plante doit être présent sur une longue période, et au moment où les utilisateurs utilisent l’application (particulièrement au printemps et en été pour la France par exemple). Enfin, et cela est totalement subjectif, cette espèce doit intéresser le public, par son aspect visuel, son odeur etc. pour le pousser à l’identifier avec Pl@ntNet, et donc à partager son observation. Une des autres limites de ce modèle est la présence de spécimens de jardins ou d’intérieur. En étant entretenus par l’Homme, les critères environnementaux tels que la composition du sol ou l’apport en eau sont complètement biaisés par rapport aux conditions environnementales naturelles d’une même zone. Enfin, certaines espèces envahissantes se développent très facilement en milieu urbain, qui se trouve être le lieu favori d’observation des utilisateurs de l’application, provoquant un effet de loupe qu’il va falloir contrer.
Ce modèle, bien qu’imparfait, apporte une vision nouvelle et prometteuse pour la gestion future d’espèces envahissantes et ainsi la protection de la biodiversité.
L’article complet : Species distribution modeling based on the automated identification of citizen observations
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